LE PRIX DU VIN AU
RESTAURANT : Acte de commerce ou racket ? (Second coup de gueule de l’année)
Chaque intervenant du petit monde de la gastronomie et du vin est d’accord pour dire que la consommation de vin au restaurant
a fortement chuté ces 10 dernières années.
Certes la répression de l’ivresse au volant a joué pour une bonne part dans cette baisse de consommation (et personne n’est
là pour s’en plaindre pourvu que cette répression reste réaliste et pragmatique). Et de nouvelles habitudes apparaissent, avec par exemple, le sacrifice d’un des convives qui se limitera à 1 ou 2
verres maximum afin de conduire au retour, mais aussi le rendu de la bouteille entamée et non terminée.
Cela pourtant ne suffit pas à expliquer le phénomène car un point bien plus important, devenu structurel,
« refroidit » le consommateur, je veux parler du prix du vin en restauration.
Comment en effet peut on espérer contenter un client lorsque la moindre bouteille de vin est facturée 25€, voire 30€, sans
avoir en plus la garantie de boire un vin qui aura quelque chose à nous raconter. En matière comptable, le calcul du prix du vin en restauration est
le suivant :
Prix achat HT x
3 = Prix vente TTC. Il s’agit là plus d’une tradition que d’une directive, mais c’est également
la base fiscale du calcul du prix de vente du vin en restauration.
Si les professionnels du bien manger,
mes collègues, qui brillent par leurs étoiles michelinesques et médiatiques,
Si les professionnels du bien manger de nos terroirs, de nos campagnes et de nos villages, mes collègues, s’en tenaient à ce
principe, cela serait un moindre mal. Mais les coefficients multiplicateurs explosent notamment sur les vins à petits prix, rendant indigeste la carte des vins aussi bien fournie soit
elle !!
Mon sang n’a fait qu’un tour il y a
quelques jours, en lisant un article consacré à un restaurant (censé avoir une intéressante carte des vins), parue dans le dernier numéro de février de La Revue du Vin de France :
Le journaliste, de bonne foi mais aveuglé par la tarification parisienne du moindre « gorgeon », conseillait comme
bonne affaire le Côte de Gascogne blanc du Domaine de Guillaman à 37€ et le Bandol rouge du Domaine du Gros Noré à 60€.
Ayant ces vins en cave et en carte, je connais donc très bien leurs prix de vente professionnels, ce qui me permet de vous
annoncer que les coefficients sont de 13 pour le côte de Gascogne et de 6 pour le Bandol.
N’y a-t-il pas là abus, ne devons
nous pas dénoncer de telles pratiques ?
Et n’est-il pas important d’interpeller le journaliste qui estime être une bonne affaire des vins vendus avec de tels
coefficients, poussant par son commentaires tous les aubergistes de France et d’ailleurs à faire de même, puisque c’est une bonne affaire ?? Où
allons nous ? Dans le mur, et au final, vers la mort du vin au restaurant.
Croyez moi, cela n’est que saine
colère devant engendrer une prise de conscience des honnêtes aubergistes de ce pays afin de rendre le vin, le bon vin, accessible à tous les clients et convives des bonnes tables de
France.
Et vous consommateur, lorsque vous choisissez un restaurant sur le critère prix, ne regardez pas seulement le prix des menus,
mais allez voir également le prix des vins à la carte, car les 5€ économisés sur le menu pourraient se transformer en 30€ de surplus côté vin.
C’est ainsi que nous pourrons faire
revenir toute une profession vers des pratiques que nous qualifierons de commerciales, et non de racket.
Pour mémoire, au Bouchon Gascon, le Côtes de Gascogne Domaine de Guillaman, blanc est à 10€ et le Bandol du Domaine du Gros
Noré sera à 22€ servis à table, carafé ou non selon le vin.
Sans insinuer que notre modèle économique est le bon, il est de mon devoir et de tout honnête aubergiste, de faire cesser des
méthodes de calcul qui nous mènent dans le mur.
Et il est du devoir des vignerons de dénoncer ces coefficients délirants car, comment un producteur qui a trimé toute une
année pour produire un nectar vendu bien moins de 5€ (sur lequel il ne gagnera que l’espoir de faire mieux l’année d’après), comment ce producteur ne pourrait-il pas être outré, découragé,
humilié par de tels prix de vente. !!!
Allez je vous laisse pour cette fois avec cette saine colère, et n’hésitez pas à me faire part de vos réflexions et
commentaires, de vos expériences bonnes ou mauvaises, que vous soyez vigneron, consommateur ou cuisinier-aubergiste.